(Interview réalisée par Aimé Adrienne Ehouman)

Abidjan, 29 avr 2022 (AIP)- Bintou Bouaré, une jeune dame entrepreneure basée à Tiassalé (120 km d’Abidjan), a donné forme à son rêve en s’investissant dans la transformation du Garcinia Kola et le Souchet comestible communément appelés Petit cola et Tchongon, en jus et autres. Dans un partage d’expérience, elle encourage les jeunes à l’entreprenariat.

AIP : Comment vous est venue l’idée d’entreprendre et où en êtes-vous ?

Bouaré Bintou : L’idée m’est venue depuis la petite enfance. Dès la classe de 5ème, je confectionnais déjà du lait comestible, pour le revendre. Il faut dire que j’arrive toujours à faire des activités qui sortent de l’ordinaire et j’avais cette énergie et cette volonté.

Après le Baccalauréat, j’ai été orientée à Abidjan et c’était le début d’une période difficile pour moi. J’ai dû me remettre dans la confection de lait à nouveau, parcourant différents lieux pour vendre mon lait et parfois je vendais des œufs dans les maquis à Yopougon. Après mon BTS en Comptabilité, je suis allée à l’aventure à Tiassalé, car c’était important pour moi de quitter le cocon familial. Sur place, j’ai été embauchée dans une entreprise privée. L’entreprise a fermé par la suite. Après cet essai, vu que le marché de l’emploi était saturé, j’ai préféré apprendre et me lancer dans l’entreprenariat. Grâce à Dieu, aujourd’hui je m’en sors bien. J’ai une renommée à Tiassalé.

AIP : Comment se sont passés les débuts ?

Bouaré Bintou : Les débuts étaient difficiles avec la faillite de l’entreprise qui m’avait embauchée. Mais pour le défi de ne pas retourner chez mes parents, j’ai décidé de commander une petite table sur laquelle je vendais des biscuits et feuilles de lotus devant un hôtel. J’ai ensuite relancé le commerce de yaourt, au point où j’investis aujourd’hui, chaque semaine, 150.000 FCFA dans cette activité.

La commercialisation du jus du Tchongon, du Petit cola, de Thé de Petit cola a explosé suite à l’observation d’un client qui a apprécié le jus de Petit cola que je faisais. Et de là, j’ai eu l’idée de stopper la vente du mouchoir Lotus pour mieux me concentrer sur ces deux activités. Cela m’a permis d’installer un conteneur et d’ouvrir ensuite un magasin.

AIP : A quel moment avez-vous ressenti la joie d’exercer cette activité que vous avez choisie ?

Bouaré Bintou : Ma fierté a été ma victoire, ma participation au SARA (Salon de l’agriculture et des ressources animales d’Abidjan) en 2019, grâce à l’aide du client qui avait apprécié le jus de petit cola que je faisais. C’est à partir de ce moment que ma motivation a véritablement pris forme. J’ai alors stoppé la vente de Lotus pour mieux me concentrer sur le jus de Tchongon, de Petit cola, Thé et autres dans mon magasin. Je m’efforce depuis lors à participer aux différentes expositions pour une plus grande visibilité de mon entreprise.

AIP : Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans votre activité ?

Bouaré Bintou : Dans toutes œuvres, il y a des moments difficiles. Au niveau de la main d’œuvre, nous avons aujourd’hui une génération qui n’a pas le sens de l’entreprenariat. Lorsqu’ils viennent travailler, ils mettent déjà l’argent au-devant des activités. J’embauche trois à cinq personnes, qui partent après un bref temps, parce qu’ils ont des objectifs propres à atteindre. Je suis en perpétuel recommencement avec les employés.

Je suis aussi souvent victime de vol. Je rencontre des difficultés avec la conservation du lait. Quand le yaourt se fermente, je peux perdre 150 000 FCFA. Je verse des larmes pour cela mais je me relève et poursuis ma route.

Il y a également la solitude qui m’étreint. Dans d’autres localités, on retrouve des associations mais chez moi à Tiassalé, je suis la seule à exercer ce métier. Je suis donc obligée de tout faire moi-même.

Au niveau du financement, il est très difficile de s’octroyer un prêt. Je suis dans l’obligation de travailler avec des fonds propres. J’ai bénéficié, avec le programme de l’Agence Emploi jeunes, d’un prêt d’un million de Francs CFA remboursable avec un taux de 18%, deux mois après l’emprunt. Actuellement, je suis à la recherche de financements pour faire engager mon activité sur la voie de la croissance.

AIP : Quel est l’élément phare de vos confections ?

Bouaré Bintou: Mes produits phares sont à base de Petits colas. Nous avons du jus de Tchongon, de Thé, de la poudre et même du râpé-séché, du yaourt, et autres.

AIP : Vous paraissez beaucoup attachée à votre mère. En quoi vous a-t-elle influencée ?

Bouaré Bintou: Au sujet de ma mère, je ne dirais pas grand chose à part ce poème que j’ai écrit pour elle pour lui exprimer ma bravoure et la fierté que je serais pour elle. Ce poème, je l’ai écrit en classe de 5ème et je le lisais à l’occasion de certaines cérémonies. Mais à la Journée internationale des droits de la femme, j’ai écrit un poème que je comptais restituer sur les médias locaux en direct. Malheureusement, à l’arrivée des autorités, j’étais tétanisée et je n’ai pas pu réciter mon poème. Ce poème est ma source de motivation, de courage.

Poème : La femme de demain

Je suis une femme à l’âge de six ans

Ma mère refusa de m’inscrire à l’école

Malgré son opposition, Je suis inscrite à l’école

Aujourd’hui, ma mère est fière de moi

Fille je suis née

Fille je resterai

Fille je réussirai à l’école

Sous le soleil je bâtirai mon toit

Mes ennemis, la tricherie, la paresse, je les mettrai hors de moi

Comme une graine qui éclot

Je me dresserai comme la femme de demain

AIP : Quel conseil pouvez-vous donner aux jeunes qui souhaitent se lancer dans l’entreprenariat ?

Bouaré Bintou: Je peux dire à un frère, à une sœur de s’accrocher car la vie n’est pas facile. Nos parents et leurs biens ne sont pas des acquis. C’est à nous d’écrire notre histoire. Dans l’entreprenariat, il peut y avoir des échecs mais il ne faut jamais abandonner. Toujours se relever et continuer sa route.