Casablanca, 21/12/2021 (MAP), “Le Cœur du volcan”, dernier roman de l’écrivaine Rabiaa Marhouch, publié cette année, relate l’histoire de Mayotte, la plus ancienne des quatre grandes îles de l’archipel des Comores, mais aussi la dure réalité de l’impressionnante communauté de ceux qu’on appelle les “migrants clandestins”.

L’intérêt porté à l’archipel des Comores s’est imposé après un séjour de deux ans à Mayotte où Mme Marhouch était enseignante, confie-t-elle, dans un entretien à la MAP, notant que cette île l’a “bouleversée par sa beauté, mais surtout par l’impressionnante communauté de ceux qu’on appelle les migrants clandestins (venus notamment des Comores) et qui vivent dans des conditions inhumaines, dans des bidonvilles, des habitations de fortune en tôle où s’entassent des familles entières”.

Il s’agit bien d’un département français, mais dont on parle rarement en France, car la misère et “l’aide au développement”, dans l’esprit de beaucoup de Français, sont le lot des seuls pays africains !, déplore-t-elle.

“J’ai été dévastée par la tristesse et la colère en voyant des enfants, pas plus âgés que ma fille de 4 ans, qui mangeaient dans les poubelles et dormaient dans les mangroves. J’étais aussi sidérée par les récits que j’entendais sur les traversées périlleuses de l’océan Indien par des Comoriens qui tentent de gagner les rivages mahorais”, enchaîne l’auteure du livre.

L’océan est décrit comme un cimetière où périssent des femmes, des enfants et des hommes qui bravent les tempêtes et la police maritime mahoraise, en espérant parcourir les 70 km qui séparent Anjouan, l’île comorienne, de Mayotte, devenue département français en 2011.

“De ma terrasse de Koungou, au nord de Mamoudzou, je pouvais voir la petite plage où parfois des kwassa-kwassa (des embarcations de fortune) déposaient au petit matin des dizaines de personnes, venues des Comores”, se souvient-elle.

Souvent, dans la presse locale, on relayait comme un fait divers la découverte de corps sur les plages paradisiaques de Mayotte. Mais, l’événement le plus douloureux fut un éboulement de terrain, survenu juste derrière l’appartement de Marhouch, entouré de bangas (habitations provisoires). Une famille entière -une mère et ses cinq enfants- avaient été engloutie dans la boue et les amas de tôles.

“Dans mon roman, poursuit Mme Marhouch, j’évoque cet événement comme l’épicentre de la souffrance de mon héroïne, Wilaya Mobali. J’ai imaginé que ce personnage était la sœur de la mère de famille emportée dans cette tragédie”.

Tout en écartant tout rapport direct entre l’histoire de ce roman et le Maroc, l’écrivaine concède que son origine marocaine, et donc africaine, et l’appartenance de l’archipel des Comores à ce contient, ont été pour quelque chose dans l’écriture de ce roman.

“C’est un hommage que je lui rends. C’est aussi un cri, à la Munch, que je pousse dans ce texte pour attirer l’attention sur les souffrances de cette partie de l’humanité”.

Le parcours de l’auteure l’a conduite vers cette terre et “l’écriture était le seul moyen pour moi d’exprimer les bouleversements provoqués par cette découverte à laquelle on ne s’attend pas dans un département français !”.

Mme Rabiaa Marhouch est écrivaine, éditrice et chroniqueuse littéraire au Courrier de Genève. Docteure en littératures françaises et comparées, elle est chercheuse associée au laboratoire Rirra 21 de l’Université Paul Valéry, Montpellier 3.

Par Karim Naji