Niamey – Saoudé, 60 ans, dont les scarifications faciales trahissent son appartenance régionale attend sa 6eme opération. Elle est presque la doyenne du Centre national de référence de la fistule obstétricale (CNRFO) de Niamey. Cette sexagénaire originaire de Maradi (Centre) affirme avoir subi cinq (5) opérations de réparation.

Elle se rappelle comme si c’était hier lorsqu’elle avait contracté la fistule obstétricale génitale lors de la naissance de son premier enfant en …1978.

« La 5ème intervention a été un succès. Elle m’a permis de retrouver la santé durant longtemps avant que le mal ne resurgisse, il y a quatre (ans), suite à une autre maladie qui a malheureusement affectée la partie génitale », relate Saoudé, se montrant très optimiste au regard de la qualité de la prise en charge donnée ici.

Au Niger, entre 500 à 750 cas de fistule obstétricale surviennent chaque année, on en dénombre au total 15.000 malades en mai 2022, selon les statistiques du ministère de la santé publique.

La fistule obstétricale est une perforation entre le vagin et la vessie ou le rectum susceptible de survenir lors d’un accouchement, ce qui peut entraîner des fuites d’urine ou de matières fécales.

Au Niger, le Centre national de référence de la fistule obstétricale (CNRFO) de Niamey est la principale structure de prise en charge où huit (8) femmes sont opérées en moyenne par semaine.

Dr Abdoulaye, Directeur du CNRFO fait savoir que plusieurs facteurs peuvent être à la base de cette maladie, dont le principal est le non accès aux centres de santé compétents d’urgence quand la femme fait un travail difficile durant longtemps. Ceci, a-t-il souligné, explique le nombre élevé des malades en milieux ruraux éloignés des centres de santé.

Parmi, les autres causes majeures de la maladie au Niger comme dans le reste de l’Afrique subsaharienne, on peut noter les grossesses précoces et les mutilations génitales féminines.

Le centre national de référence assure la prise en charge des jeunes femmes, comme des femmes âgées victimes de ces lésions graves et dangereuses.

Mino, une quadragénaire, originaire d’un village du département de Dogon Doutchi, dans la région de Dosso (Ouest) est aussi une ‘’familière’’ du centre : « Je suis mère de 5 enfants. Mon premier accouchement était un mort-né. Lors de l’accouchement, j’avais travaillé durant deux jours et l’enfant n’était pas venu. Pire, l’agent de santé n’a pas ordonné mon évacuation vers le centre de santé de Dogon Doutchi. Finalement mon bébé est venu sans vie », décrit-elle.

« C’est là que j’ai eu cette maladie et sept mois (7) mois après, j’ai reçu ma première opération. A la suite de celle-là, j’avais retrouvé la santé, mais mon mari m’a répudiée », raconte la femme.

Par la suite, « je me suis remariée et la fistule a repris. Je suis venue ici pour une autre opération dans ce centre de référence », a-t-elle indiqué.

Aujourd’hui elle attend son tour de passage au bloc.

Si dans la plupart des cas, la fistule est acquise, le profil de Hadjara, 16 ans est ‘’atypique.

Cette dernière affirme que sa maladie est congénitale due à une malformation des organes.

«Depuis ma tendre enfance, je souffrais de ce mal. J’étais très gênée de circuler en public avec de l’urine et selle qui échappaient à mon contrôle », se souvient l’originaire de la ville de Maradi.

En effet, Hadjara a été opérée il y a environ quatre (4) mois. Elle se sent en plein confort, comme elle l’a dit.

« Je me sens mieux maintenant que j’ai subi l’opération. L’opération a eu lieu, il y a quatre (4) mois. Je suis revenue pour un contrôle médical », se réjouit-elle.

En plus des douleurs physiques qu’elles ressentent, les malades de la fistule obstétricale doivent également supporter un inconfort moral de voir s’échapper de leurs corps selles et urines.

Elles font également face au rejet de leurs communautés, car cette condition peut souvent conduire à de mauvaises odeurs, ce qui donne l’impression à certains qu’elles sont sales.

La fistule ne met pas seulement en danger la femme, pire dans la plus part des cas, l’enfant dont l’accouchement provoque la fistule ne survit pas.

« La majorité des enfants ne survivent pas. Parce que c’est l’enfant qui coince lors de l’accouchement », a fait savoir Dr Abdoulaye.

Et le professionnel de détailler : ‘’la partie la plus dure de l’enfant, c’est sa tête. La fistule survient lorsque cette tête-là coince les parties molles contre le bassin osseux de la mère. Donc il y a la partie dure de l’enfant et la partie dure de la mère qui créent une compression. Et quand ça comprime, les parties comprimées ne reçoivent plus de sang. Et lorsqu’elles ne reçoivent plus de sang durant six (6) heures de temps, même si la compression est levée, ces parties ne vont pas survivre, elles vont mourir ».

Il poursuit en indiquant que « c’est justement lorsque ces parties meurent, et avec la chute des tissus morts que se constitue le trou, donc la communication entre les parties molles de la mère, de la vessie jusqu’au niveau de la filière génitale où se trouve l’enfant. Et entre temps l’enfant serait sorti mort et ce qui reste, c’est la fistule ».

La fistule une maladie guérissable

Selon Mme Traoré Salamatou, présidente de l’ONG Dimol, qui s’exprimait au micro de Studio Kalangou, les femmes malades de la fistule « ont beaucoup de chance de guérir, si elles arrivent premièrement à accéder aux formations appropriées d’urgence ».

Au Niger, le Centre national de référence de la fistule obstétricale (CNRFO) de Niamey opère en moyenne huit (8) femmes par semaine, ce qui fait un total d’au moins 32 femmes soignées par mois, soit plus 1.600 femmes opérées par an. A ces chiffres, s’ajoutent ceux des autres dix (10) centres du pays.

Aussi, souligne-t-on, certains cas de fistule ne requiert pas une opération. Leur prise en charge est moindre.

« Chaque femme qui est soignée est une victoire ». Et donc chaque jour, on enregistre des succès, dans le cadre de la lutte contre la fistule, se réjouit Dr Abdoulaye qui dirige ce centre mis en service en 2008.

L’établissement, indique-t-on, a pour mission de prendre en charge les femmes victimes de la fistule, de les sensibiliser sur les conséquences de la maladie et sur les mesures de prévention, mais aussi de leur faire savoir qu’elles ont une chance d’être soignées et de survivre à la fistule obstétricale.

Au Niger, la prise en charge de cette maladie est gratuite et commence par la prévention, notamment via les consultations prénatales, la planification familiale, le maintien de la jeune fille à l’école jusqu’à l’âge de 16 ans pour réduire la survenue de mariages précoces et de grossesses précoces, ainsi que la sensibilisation intense de la population sur les mesures de prévention.

Amina J. Mohammed, Vice-Secrétaire générale de l’ONU, en visite dans ce pays sahélien avait déclaré que « non seulement les fistules endommagent le bien-être physique et mental des femmes, mais elles sont aussi stigmatisées au sein de leurs familles et de la société », notant que « Ces centres sont une oasis, un lieu de refuge pour les filles (qui ont eu) un mariage précoce, qui ont fini par avoir besoin de réparations de fistules horribles ».