Par Anass BELHAJ.

Kigali, 02/03/2022 (MAP) – Au Rwanda, pays de 13 millions d’habitants niché au cœur de la région des Grands Lacs d’Afrique, les femmes ont connu une ascension spectaculaire au cours des deux dernières décennies et occupent, aujourd’hui, des postes clés dans le public comme dans le privé.

Souvent cité comme un modèle en matière d’égalité homme-femme et de parité en politique, le pays des mille collines est en tête du palmarès de la représentation parlementaire des femmes, avec 61,3% de femmes élues, soit le taux le plus élevé au monde. En outre, quatre des juges de la Cour suprême sont des femmes, tout comme la moitié des postes ministériels.

Sur le plan économique, les femmes jouent un rôle de premier plan avec un taux d’activité, selon le Global Gender Gap Report, de 84,4 %, supérieur à celui des hommes (83,7 %), ce qui place le pays au premier rang mondial sur ce critère, et contribue à l’excellent classement du Rwanda (6è) dans l’Indice mondial de l’écart entre les genres.

“Les réalisations du Rwanda en matière de promotion du leadership féminin et de parité découlent d’une volonté politique forte et explicite, un engagement associatif réel mais aussi d’un contexte historique particulier”, explique Crescence Mukantabana, directrice exécutive du Réseau de développement des femmes pauvres (RDFP) et fondatrice du “Réseau des femmes”, ONG phare au Rwanda chargée de la défense des droits des femmes.

Interrogée par la MAP, Mme. Mukantabana a indiqué que le gouvernement du Rwanda post-génocide a placé la promotion de la femme au centre de ses priorités, mettant en place un arsenal juridique pour renforcer leurs droits et garantir leur implication dans la prise de décision.

“En 1999, un ministère chargé du Genre et de la Promotion féminine a été créé pour la première fois. Quelques années plus tard, l’égalité entre hommes et femmes a été inscrite dans la Constitution et s’applique de façon quotidienne”, a-t-elle dit, rappelant que le pays avait mis en place, en 2005, un système de quotas favorisant la représentation des femmes en politique avant de créer ensuite un Conseil national des femmes.

Au lendemain du génocide de 1994 perpétré contre la minorité Tutsi, qui a fait plus d’un million de morts, les femmes représentaient près de 70 % de la population rwandaise. Le processus de réconciliation et de reconstruction du pays reposait, en premier lieu, sur elles.

Lors des premières années du Rwanda post-génocide, ces femmes réputées laborieuses et pointilleuses ont dû se libérer du poids des traditions et des tabous pour reconstruire un pays où tout était à reconstruire, créant des coopératives et projets agricoles, des associations de solidarité, et en dirigeant même les “Gacacas”, tribunaux communautaires qui permettaient de régler des différends de voisinage ou familiaux.

Après la multiplication des success stories féminines dans divers domaines, les femmes ont commencé à s’emparer, au fur et à mesure, de métiers réservés jusqu’ici aux hommes. Ensuite, les droits des femmes ont gagné énormément de terrain.

Mais pour Mme. Mukantabana, certains défis persistent malgré les acquis accomplis, particulièrement ceux liés à la violence à l’égard des femmes et à la pauvreté.

“Les chiffres officiels démontrent qu’au moins 35 % des femmes rwandaises ont subi des violences de genre au cours de leur vie, et 22 % d’entre elles ont été victimes de violences sexuelles”, a-t-elle fait observer, soulignant qu’il y a encore des efforts à consentir pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes.

Elle indiqué que c’est leur partenaire qui est l’auteur de ces violences, le plus souvent, ajoutant que de nombreux hommes quittent leur domicile quand les problèmes deviennent trop importants, laissant derrière eux des femmes avec enfants, sans aucune assistance.

“Un autre défi de taille qui préoccupe aujourd’hui les autorités et les associations de défense des droits des femmes est la pauvreté, qui s’est aggravée de façon inquiétante avec la pandémie de la Covid-19 et les effets grandissants du changement climatique”, a relevé cette ardente militante des droits des femmes au Rwanda, insistant sur l’importance de multiplier les initiatives visant à impliquer les femmes dans les projets socio-économiques.

Force est de constater que le développement remarquable qu’a connu le Rwanda en seulement un quart de siècle et le taux impressionnant de 8% de croissance économique annuelle du pays est dû, en partie, à la contribution de la gent féminine qui laisse des empreintes dans tous les secteurs et tous les domaines.

Les noms de Louise Mushikiwabo, l’influente rwandaise qui dirige l’Organisation internationale de la francophonie, Clare Akamanzi, puissante directrice de l’Office rwandais de développement, ou encore d’Yvonne Makolo, présidente de la compagnie aérienne nationale, sont connus de tous les Rwandais.

Parmi ces femmes qui ne cessent d’inspirer les jeunes rwandaises désireuses d’accéder aux postes de responsabilité, figurent aussi Paula Ingabire, l’infatigable ministre des TIC et de l’Innovation, Diane Karusisi, la directrice générale de Bank of Kigali et Jolie Murenzi, célèbre artiste et figure de proue de la scène culturelle rwandaise.