– Par Taïb GOUZRAR –

Rabat, 01/03/2022 (MAP) – En revendiquant haut et fort leur droit à l’égalité dans l’exploitation des terres collectives, les femmes soulaliyates savaient très bien que leur combat ne sera pas une simple promenade de santé, tellement les lois coutumières ont la peau dure et aussi au vu de la farouche opposition des déléguées des communautés soulaliyates (Nouabs) refusant mordicus d’inscrire les femmes sur les listes des ayants-droit.

Et pour cause, les coutumes en vigueur dans les communautés soulaliyates privaient les femmes de la jouissance des droits que leur confère leur appartenance à la collectivité comme c’est le cas pour les hommes, ce qui a donné lieu à un mouvement de protestation.

Face à cette discrimination et pour défendre leurs droits, ces femmes, longtemps lésées et soumises, se sont organisées dans le cadre d’un ”Mouvement revendicatif des femmes soulaliyates”. Grâce à cette mobilisation soutenue par les associations féminines au Maroc, elles ont obtenu gain de cause, décrochant le droit de jouissance des terres collectives sur le pied d’égalité.

Adhérant à l’élan collectif en faveur de l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’encontre des femmes, le ministère de l’intérieur en sa qualité de ministère de tutelle des collectivités soulayiates, a pris une batterie de mesures, notamment en adressant aux préfectures et provinces du Royaume la circulaire no 60 en date du 25 octobre 2010 qui accorde aux femmes le droit au même du titre que les hommes de bénéficier des indemnités des terres collectives qui font l’objet de transactions notamment en cas de location ou de cession.

Un acquis conforté un peu plus tard par la circulaire 17 en date du 30 mars 2012 qui précise les cas où les femmes ont accès au produit de la terre suivant les modes de répartition des terres et impose au conseil de tutelle de leur accorder le droit de jouir des terres collectives héritées après le décès de leurs parents.

En 2019, le Parlement adopte trois projets de loi qui renforceront davantage les acquis des femmes soulaliyates, notamment la loi no 62-17 relative à la tutelle administrative sur les communautés soulaliyates et la gestion de leurs biens, laquelle loi représente un tournant décisif dans la consécration de la parité et de la citoyenneté entière des femmes soulaliyates.

Ce texte qui insiste sur la primauté de la loi sur les coutumes, énonce que les femmes et les hommes de la communauté soulaliyate sont égaux sur les plan de l’adhésion en tant que membre de la communauté, la jouissance des biens ou encore la représentation de la communauté (Nouabs), une responsabilité qui était jusque-là exclusivement masculine.

L’article 2 de cette loi énonce, à ce propos, que les membres des communautés soulaliyates, hommes et femmes, bénéficient des biens de leur communauté selon la répartition établie par l’assemblée des Nouabs (délégués) comme cela est indiqué dans l’article 9 de la loi, notant que cette jouissance doit être à titre personnel et d’une manière directe”.

L’article 9 précise que ”la communauté soulaliyate choisit parmi ses membres, hommes et femmes, disposant pleinement de leurs droits civiques, des délégués qui formeront une assemblée de délégués en vue de la représenter devant les tribunaux et les administrations et aussi de faire toutes les démarches juridiques nécessaires concernant la communauté”.

Quant à l’article 16 de ladite loi, il stipule que la répartition des terres des communautés soulaliyates est définie par l’assemblée des délégués au profit des membres de la communauté hommes et femmes, et ce, conformément aux conditions et modalités prévues par une loi organique.

Cela étant indiqué, il convient de souligner que cette réforme du dispositif juridique des terres soulaliyates est l’aboutissement d’un ensemble d’acquis et repose surtout sur la constitution, loi suprême du Royaume, qui insiste clairement sur l’égalité et la parité.

C’est aussi le résultat des avancées notables réalisées par le pays durant les deux dernières décennies sur le chemin de la promotion des droits des femmes et l’amélioration de leur condition sur le plan socio-économique et dans le domaine des libertés et des droits, notamment à l’appui d’une série de réformes, tout particulièrement la révision constitutionnelle de 2011 qui consacre l’égalité dans les droits et les devoirs et incrimine toutes les formes de discrimination de genre. Un choix qui se justifie par le fait que l’amélioration de la condition des femmes est une condition sine qua non pour le développement.

Cette nouvelle dynamique impulsée au Maroc dans le domaine de la promotion des droits des femmes est d’ailleurs à l’origine du salut des femmes soulaliyates, désormais dans la capacité de jouir pleinement de leurs droits à l’instar des hommes et de bénéficier sur le même pied des profits en argent et en nature engrangés par les communautés.

La consécration de la parité renforcera, sans doute, la volonté des femmes soulaliyates d’affirmer leur rôle économique et leur contribution dans le développement local, surtout avec l’opportunité offerte aujourd’hui de s’approprier les terres collectives.