Par Khalid ATTOUBATA.

Brasilia, 03/03/2022 (MAP) – Du haut de l’estrade d’un auditorium de Brasilia, Francine Maia Benchimol Weiss, qui s’exprimait lors de son “investiture solennelle” comme membre de l’Académie internationale de la culture (AIC), n’omet pas de rappeler ses origines oujdies, sa religion juive et son identité berbéro-marocaine.

Pourtant, elle n’avait pas à faire la présentation. Kaftan noir brodé au doré et maquillage rappelant les tatouages berbères, Maia Benchimol ne passe pas  inaperçue, nourrissant l’intrigue chez ses collègues et invités de la cérémonie, dont des membres du corps diplomatique accrédité au Brésil, des artistes, des écrivains et des acteurs médiatiques.

“Si je suis vêtue aujourd’hui de ce kaftan et maquillée comme une authentique amazighe, c’est parce que c’est ce qui me représente le plus. Je m’identifie à la culture marocaine et c’est toujours un motif de fierté de le montrer”, confie-t-elle à la MAP, en marge de cet événement organisé à l’occasion de la Journée internationale de la langue maternelle.

Pour quelqu’un qui a vécu ses neuf premières années au Maroc, suivis de longs séjours en Israël, en France, en Guyane Française, avant de s’établir au Brésil, on est tenté d’insister pour comprendre pourquoi cette experte en sécurité aérospatiale préfère plutôt mettre en avant sa marocanité.

En fait, si elle le fait, et ce sont ses propres mots, c’est parce que le Maroc lui a offert ce que plusieurs pays réunis n’ont pu garantir, encore moins à une juive. “Fière de ma marocanité et de ma culture, je me souviens toujours de mon enfance. Je me souviens de la grande synagogue d’Oujda où on pouvait pratiquer nos cultes religieux en toute normalité. Nous cohabitions tranquillement et pacifiquement avec tous nos concitoyens”, ajoute-elle.

“Je n’ai souvenir d’aucun problème avec les autres enfants du quartier par exemple. Nous nous sentions dans notre propre terre. Je garde même encore aujourd’hui contact avec certains de mes amis d’enfance, dont certains sont établis actuellement en France, où ma mère a fait des études en art”, explique l’écrivaine, auteur notamment du “Livre du Désert”, “La lutte des femmes dans le monde” et “Son nom n’est pas Jeniffer”.

Humblement et d’une voix à peine audible, Maia Benchimol revient sur son parcours professionnel, jalonné de voyages et de défis. Diplômée en Droit et en Finances internationales, elle suit actuellement un cursus en économie contemporaine à l’université d’Oxford, parallèlement à son travail d’entrepreneur dans le domaine du transport de marchandises.

L’ancienne fonctionnaire de l’ONU pour les questions de l’Amérique latine et des Caraïbes s’attarde pas sur son parcours professionnel. Elle préfère profiter de cette interview réalisée à l’occasion de la Journée internationale de la femme pour, dit-elle, rendre hommage au Maroc dont elle garde les saveurs de sa cuisine singulière, son hospitalité et ses valeurs sociales. “C’est bien dommage qu’il n’y ait pas, au Brésil, de restaurants marocains, encore moins à Brasilia”, déplore-t-elle.

“Mais la chose qui me manque le plus en terre d’expatriation est ce décor authentique et ces villes qui baignent toujours dans l’histoire et les civilisations les plus séculaires : les designs, l’architecture, les arts, les coutumes. Il y a une expression que l’on peut entendre de la bouche de tous les juifs d’origine marocaine et qui peut résumer la profondeur de cet attachement : on quitte le Maroc, mais le Maroc ne nous quitte jamais”, relève cette trentenaire.

Et d’enchaîner : “Je suis aussi marquée par la vie de la campagne et du désert marocains. Ma grande mère nous a légués cette culture “bédouine” et c’est pour ça que je me considère aussi une berbère. Nous, les juifs, nous nous considérons comme faisant partie de l’histoire du Maroc qui est aussi la nôtre et nous nous approprions cette civilisation”.

Cet attachement à la culture marocaine, Maia Benchimol dit le tenir de sa mère, Laila, qui lui a enseigné, à elle à ses deux soeurs et deux frères, dont un a été assassiné en 2019 en Ukraine par un néonazi, l’importance de préserver son identité et de le montrer fièrement.

Sa mère, établie actuellement à Beer Sheva, lui dira que le rétablissement des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël a été hautement célébré par les juifs d’origine marocaine et comme une parfaite rétribution de cette affection qu’ils portent pour le Royaume.

“C’était un rêve qui s’est concrétisé. Nous avons célébré, 7 jours durant, cette annonce qui nous permet aujourd’hui de voyager plus aisément à la terre où nous sommes nés. Pour cela, nous remercions SM le Roi Mohammed VI, notre gratitude éternelle à Lui et à Son auguste père, feu SM le Roi Hassan II”, ajoute-elle.

A la question de savoir ce qui fait, à ses yeux, cette singularité marocaine en matière de cohabitation religieuse, Maia Benchimol dit qu’au Maroc, loin de tout calcul politique, les religions musulmane et juive, et les cultures qui en découlent, ne faisaient qu’une, ou presque.

Le peuple marocain est en effet très chaleureux et très authentique, note la maroco-brésilienne. “Il l’est par la langue dialectale aux multiples affluents, mais aussi par les valeurs que partage le peuple de cette nation. Son hospitalité et son universalité sont un capital précieux, fruit d’un brassage civilisationnel qui ne s’est jamais interrompu à travers les siècles”, relève-t-elle.

Tous ces éléments expliquent, selon elle, le grand rayonnement du Maroc à l’étranger, en l’occurrence au Brésil, où le couscous brésilien, une variante de celui du Maroc, est devenu un plat national. Le Royaume est présent à bien des aspects dans l’esprit des Brésiliens, qui sont émerveillés parfois par les émissions qu’on passe ici sur le Maroc ou par le cinéma et la télévision, mais également à travers des carrefours historiques, fait observer Maia Benchimol.

Pour elle, un pays est toujours admiré lorsqu’il s’agit d’une nation fière et authentique, qui s’attache à sa culture et à son héritage, “ce qui est exactement le cas du Maroc où le peuple a su conserver et valoriser son patrimoine séculaire, dans l’amour de la terre et des valeurs de la famille, tout en construisant un Etat moderne dans la communion avec une monarchie respectueuse et respectée”.

Tout en restant marocaine et en l’assumant, Maia Benchimol est un exemple d’intégration au sein de la société brésilienne. Cela n’était pas si délicat pour elle de se fondre dans la société brésilienne, “un peuple tout aussi accueillant que les Marocains”. “Le Brésil est traditionnellement une terre d’immigration et il a fondé son modèle de développement sur la richesse migratoire et l’ouverture sur le monde”, explique-t-elle.

Au sein de cette société, Maia Benchimol s’est approprié une mission de tous les jours. Elle évoque notamment un projet de rénovation conjoint entre le gouvernement et le Métro de Brasilia, dont elle est partenaire. “Il est prévu de mettre en place des mosaïques à la marocaine dans les principales stations du métro”, confie-t-elle.

“Aussi, la capitale brésilienne est en train de construire un nouvel aéroport où on aura un cachet de l’architecture de différents pays dans les corridors de l’aéroport, dont l’un sera consacré au Royaume avec notamment une fontaine et du zellij marocain”, poursuit la fondatrice en 2018 d’un institut de consulting sur les questions sécuritaires, avec un département dédié aux œuvres philanthropiques.

Partagée entre ses engagements professionnels, ses activités culturelles et ses actions sociales, Maia Benchimol trouve toujours le temps et le moment opportun d’accomplir ce qu’elle appelle le “devoir” d’afficher son identité culturelle et de promouvoir les valeurs humaines et universelles que lui inspire le Maroc.