Tanger – C’est avec beaucoup de rigueur scientifique et de bonté humaine que Soulma Taoud chapeaute la Commission régionale des droits de l’Homme (CRDH) de Tanger-Tétouan-Al Hoceima (TTA), un mécanisme régional de proximité qui permet une surveillance et un suivi continus de la situation des droits humains dans la région du Nord.

Née en 1957 à Ksar El Kébir, Soulma Taoud a eu un parcours académique particulièrement pertinent et une riche expérience politique en matière de gestion des affaires publiques locales, et a toujours fait preuve d’un engagement sans faille en faveur de la défense des droits de l’homme, une cause qui lui a demandé beaucoup de travail et une bonne capacité d’écoute des préoccupations de la communauté.

Issue d’une famille patriote bien connue de la ville de Ksar El Kébir, Soulma était amenée à partir à Rabat pour poursuivre des études secondaires dans la branche scientifique, spécialité alors inexistante dans sa ville natale, avant de décrocher une Licence en physique nucléaire en 1981.

Parallèlement à cela, Soulma s’est engagée dans des organisations étudiantes, avant d’adhérer au parti de l’Union socialiste des forces populaires (USFP).

“A l’université, j’ai été active au sein de l’Union nationale des étudiants du Maroc, puis j’ai rejoint le étudiants Ittihadis et ensuite l’USFP en 1976. C’était une période très riche, où j’ai beaucoup appris sur l’action politique et j’ai eu la chance de côtoyer des politiciens dévoués et de grands penseurs, comme Mohamed Abed Al Jabri, Mohamed Guessous et Fathallah Oualalou, des grands noms qui ont contribué à m’encadrer et à affiner ma personnalité”, a souligné Mme Taoud, dans une déclaration à la MAP.

Soulma Taoud a intégré l’Ecole normale supérieure (ENS) de Rabat en tant que professeur assistant, et en raison de l’instabilité de sa situation familiale suite à l’arrestation de son mari lors des événements du 20 juin 1981, elle a dû suspendre son parcours académique pour une période de trois ans, avant de décider de partir à Nantes (France) pour poursuivre ses études doctorales, où elle a obtenu un doctorat en physique du solide en 1987. Elle a ensuite retourné à Rabat pour rejoindre l’ENS en tant que professeur universitaire.

En s’installant à Tanger et en rejoignant le corps professoral de la Faculté des sciences et techniques (FST), Mme Taoud a entamé une nouvelle phase dans son parcours politique et des droits de l’Homme, qu’elle a peaufinée grâce à son contact continu avec la communauté en rejoignant les structures locales de l’USFP, et sa découverte du domaine des droits humains en tant que membre fondatrice du Groupe de Tanger de la section marocaine d’Amnesty International.

“L’action politique a pris un chemin différent à Tanger, puisque je me suis engagée dans le domaine social et l’action partisane et syndicale et j’ai gravi les échelons jusqu’au secrétariat provincial du parti au début des années 90. J’y ai appris la vraie action politique au lieu de l’action politique étudiante qui était utopique”, a-t-elle fait savoir, notant que le travail de terrain lui a révélé les défis de la gestion des affaires publiques, et lui a permis de comprendre les répercussions sociales, économiques et politiques des problématiques posées sur la vie des citoyens et les choix adoptés par l’État pour y faire face.

C’est une belle expérience qui vous permet de faire la différence entre l’idéalisme jusqu’au populisme et l’action concrète pour le changement, ainsi qu’entre brandir des slogans et présenter des suggestions, a-t-elle précisé.

Mme Taoud a relevé qu’elle a maitrisé l’action politique au sein de l’USFP, lorsqu’il était dans l’opposition, une expérience qui lui a permis de devenir la première vice-présidente de la commune de Tanger durant la période 2003-2009, soulignant qu’elle n’avait pas l’intention de se présenter aux élections de 2003, mais les événements douloureux du 16 mai de cette année lui ont changé d’avis quant à la nécessité de prendre sa responsabilité et de contribuer à consolider l’expérience politique au Maroc.

Elle a fait son entrée dans le domaine des droits de l’Homme au début des années 90, puisqu’après l’expérience d’Amnesty International, elle a rejoint l’Organisation marocaine des droits humains (OMDH) avant de devenir membre de son Conseil national.

Selon elle, le militantisme en faveur des droits de l’Homme requiert abnégation, dévouement et altruisme, en plus d’être à l’écoute des gens et de faire preuve d’objectivité.

“Au début, il peut y avoir une confusion entre le politique et les droits de l’Homme, mais le côté politique ne doit en aucun cas gagner du terrain par rapport aux droits humains”, a-t-elle dit, expliquant que “le côté des droits de l’Homme repose sur des valeurs fixes, des faits scientifiques clairs et des principes nobles qui s’appliquent à tout moment et en tout lieu, tandis que le politique est soumis aux intérêts”.

Après l’expérience de l’équité et de la réconciliation, le Maroc s’est engagé dans la construction d’un nouvel édifice des droits de l’Homme basé sur la mise en place d’institutions solides des droits humains, à commencer par le Conseil consultatif des droits de l’Homme (CCDH), jusqu’à la création du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH), en remplacement du CCDH, et de ses commissions régionales, qui constituent des mécanismes de proximité ayant pour mission d’assurer le suivi et la surveillance des violations des droits de l’Homme et de diffuser la culture des droits auprès de la population en général, a indiqué Mme Taoud, estimant que “le Maroc, grâce à ses acquis en matière de droits de l’Homme, dispose d’une expérience pionnière dans ce domaine”.

“C’est une expérience pionnière dans le monde. Le Maroc est l’un des premiers pays à avoir lancé des mécanismes régionaux des droits de l’Homme, ce qui signifie que les questions relatives aux droits de l’Homme ne sont pas restées élitistes, mais sont devenues une affaire locale”, a précisé la responsable, relevant que ces commissions prônent la proximité, et mesurent l’impact des lois visant à protéger les droits de l’Homme sur la vie des gens, et savoir s’ils en profitent réellement?”.

“Si les membres du CNDH débattent des questions de droits de l’Homme, émettent des avis consultatifs et des observations sur les lois, alors les Commissions régionales représentent des mécanismes de proximité qui assurent la surveillance et le suivi quotidiens et continus de toutes les violations des droits de l’homme”, a-t-elle fait savoir, ajoutant: “nous écoutons les victimes et communiquons avec les institutions concernées, sans pour autant remplacer ou prendre la place des institutions chargées d’enquêter sur ces violations et de prendre les décisions adéquates. Nous travaillons également sur la diffusion de la culture des droits de l’homme au niveau local, notamment avec la société civile, que nous considérons comme un partenaire clé”.

La CRDH de TTA, a-t-elle ajouté, travaille sur tous les aspects des droits de l’Homme, plus particulièrement les questions liées à l’immigration, la traite des êtres humains aux niveaux interne et externe, puisqu’il s’agit d’une zone frontalière, la situation de l’enfance, notamment les enfants en situation difficile, les violences à l’encontre des femmes et des filles, les violations des droits de l’Homme dans les dix prisons que compte la région, les droits des personnes en situation de handicap, y compris l’intégration complète des enfants handicapés dans le système éducatif.

Elle se penche également sur d’autres questions, notamment avec l’émergence d’une nouvelle génération de droits liés à l’environnement, au changement climatique, la digitalisation, l’intelligence artificielle, la protection des consommateurs, l’entrepreneuriat et aux droits de l’Homme, qui exigent de la Commission de développer et renforcer ses capacités dans tous ces domaines.

Un parcours politique riche qui n’a pas empêché cette militante des droits de l’Homme et mère de trois enfants à poursuivre son engagement en faveur de la défense des droits de l’Homme au niveau de la région du Nord, et à interagir avec les victimes des violations.