-Nadia El Rhzaoui-

Casablanca – Le triple scrutin du 8 septembre a marqué un tournant en matière des efforts engagés pour permettre à la gent féminine de renforcer sa présence sur la scène politique, mais aussi un test pour mesurer la percée des femmes au niveau des conseils élus et les pas franchis pour briser le plafond de verre.

Le constat est rassurant. Les élections communales, régionales et législatives du 8 septembre ont permis de s’inscrire de manière générale, dans une dynamique positive à la faveur de la participation remarquable des femmes, marquant ainsi un saut qualitatif en matière de gestion de la chose locale et des initiatives visant à enraciner les valeurs égalitaires.

L’une des illustrations de la percée des femmes est l’élection de Nabila Rmili du Rassemblement National des Indépendants (RNI) nouvelle maire de la métropole casablancaise grâce à une alliance tripartite RNI-PI-PAM qui lui a permis d’arracher 105 sur les 130 suffrages exprimés. Avec cette élection, une nouvelle ère post-PJD s’ouvre pour Casablanca. C’est un fait inédit, car pour la première fois, la plus grande métropole du Royaume sera dirigée par une femme.

La volonté de booster la participation politique des femmes et de rendre effectives les dispositions constitutionnelles en la matière, se manifeste aussi au niveau du bureau dirigeant dont pratiquement la moitié des membres sont des femmes.

Un autre exemple concret de la dynamique apportée par ces élections au niveau de la présidence des instances de prise de décision locale est celui de Ilham Belkas, une jeune fille du monde rural âgée de 18 ans, élue présidente de la commune de Sidi Dahbi, relevant de la circonscription de Ben Ahmed (province de Settat), devenant ainsi la plus jeune présidente de commune au niveau national.

Au sujet des résultats des élections, en particulier le volet relatif à la représentativité féminine, Mme Hasna Kaji, Enseignante chercheure à la Faculté de Droit, Université Hassan II Casablanca et chef du département Droit public, a souligné dans une déclaration à la MAP la forte présence féminine aux commandes des Conseils des villes, notant que l’accès de trois femmes à la présidence de conseils communaux de grands villes : Casablanca, Rabat et Marrakech est un acquis important pour les femmes.

C’est une illustration éloquente du leadership féminin car la gestion de grandes villes n’est pas une tâche aisée, et le couronnement d’un parcours et d’efforts considérables, se disant convaincue de l’apport indéniable de ces femmes qui laisseront sans nul doute une empreinte indélébile dans ces grandes villes, alors que des défis se posent notamment lors de la période post-covid.

Elle a dans ce sens mis en avant la révision de l’arsenal juridique des élections pour le renforcement de la représentativité des femmes dans les instances élues et la mise en œuvre des dispositions de la Constitution pour la réalisation de la parité.

La femme est bel et bien présente et s’affirme dans de nombreux domaines (entreprenariat, culture…etc) mais en ce qui concerne la participation dans le champ politique, on est encore loin du compte et ce même si l’électorat féminin ne cesse de jouer un rôle de premier plan, a-t-elle toutefois fait remarquer, notant que l’on compte énormément lors des rendez-vous électoraux sur les femmes eu égard à leur capacité avérée de convaincre lors des campagnes électorales.

La discrimination positive a donné des résultats positifs avec l’accès d’un nombre important de femmes au Parlement et aux conseils locaux, mais il est temps d’évaluer ce mécanisme, a-t-elle dit, mettant l’accent sur la nécessité de s’interroger à quel point ce dispositif a pu encourager les femmes à adhérer à l’action politique d’une part et convaincre le citoyen d’accorder la confiance aux femmes et voter pour elles, d’autre part.

Les statistiques de cette année font état d’un renforcement de la représentativité féminine au niveau de l’institution législative (24% durant l’actuelle législature contre 20% lors de la précédente). A ce sujet, Mme Kajji a fait observer que sur les 95 femmes élues à la Chambre des représentants, 5 seulement l’ont été en dehors des listes régionales consacrées aux femmes et sur les 12 Conseils de régions, une seule femme a pu accéder à la présidence.

La représentation politique des femmes est une exigence aussi bien sociale que démocratique mais certains partis politiques ont du mal à se défaire de leur héritage patriarcal et de la culture sociétale en dépit des efforts pour créer les conditions nécessaires à une amélioration de la participation des femmes et montrer que la politique n’est pas un bastion des hommes.

Dans la perspective de matérialiser de façon effective les dispositions de la Constitution et aussi de répondre aux revendications des défenseurs de la parité, le législatif a veillé à féminiser la scène politique via des projets de lois organiques adoptés, en prélude aux élections générales. Les amendements introduits visent à donner corps aux dispositions de la Constitution qui met le point sur l’égalité des chances et consacre le principe d’égalité et de parité. Le texte a notamment mis en place de nouveaux mécanismes garantissant la représentativité des femmes en leur accordant le tiers des sièges dans chaque Conseil préfectoral ou provincial et en augmentant le nombre de sièges qui leur sont réservés dans les Conseils communaux.

La région de Casablanca-Settat dispose de 12 sièges au titre des élections législatives régionales, alors que le nombre de sièges du conseil de la région est de 75, dont 29 réservés aux femmes. S’agissant des élections concernant la circonscription électorale législative régionale, le taux de participation enregistré a atteint 41,09 pc, en hausse par rapport à 2016 où il s’est établi à 37%.

Les enjeux d’égalité sont essentiellement des enjeux de développement. Appréhender la femme sous un prime réducteur représente une entrave à l’accès aux sphères décisionnelles et à la création de richesse. C’est dans cet esprit que le nouveau modèle de développement s’est fixé pour objectif notamment de porter le taux d’activité des femmes de 22% actuellement, à 45% en 2035.