Kédougou, 30 mars (APS) – Les femmes transformatrices de Kédougou (sud-est), regroupées autour d’une coopérative régionale, envisagent de mettre en place un complexe multifonctionnel, en vue de booster la commercialisation du fonio sur le marché national et international.

Leur structure, dénommée la coopérative régionale du fonio, est en train de ‘’finaliser le processus de lancement du marché pour la construction’’ dudit complexe multifonctionnel, a expliqué à l’APS sa présidente, Fanta Koyo Soumaré. Elle précise que ce complexe sera dédié à la transformation des produits locaux, dont le fonio. Le projet entre dans le cadre de la deuxième phase du Programme d’appui au développement agricole et à l’entreprenariat rural (PADAER II).

Forte de 15 groupements d’intérêt économique (GIE) de femmes, la coopérative régionale du fonio de Kédougou a créé une bonne ceinture d’approvisionnement en matières premières destinées aux unités de transformation, a signalé Mme Soumaré.

Cette année, les femmes transformatrices de fonio ont bénéficié de subventions octroyées par le Programme d’appui au développement agricole et à l’entrepreneuriat rural qui en est à sa deuxième phase (PADAER II). Ces subventions s’inscrivent dans le cadre de la campagne de commercialisation de cette céréale cultivée dans les régions de Tambacounda, Kédougou, Kolda et Sédhiou.

Les prix du fonio ont été déterminés d’une manière consensuelle avec l’ensemble des acteurs de la filière après la campagne agricole, a expliqué la présidente de la coopérative régionale.

Fanta Koyo Soumaré demeure convaincue qu’une forte campagne de vulgarisation du fonio permettrait de faciliter l’atteinte de l’objectif du consommer local dans la région de Kédougou. Dans le cadre de sa commercialisation, les acteurs de la filière ambitionnent de répondre à toutes les demandes précises et offres contractuelles,   que cela concerne le fonio brut ou le fonio décortiqué.

Coumba Camara, membre du GIE promotion féminine et de la coopérative régionale du fonio, déclare avoir emblavé quatre hectares dédiés à cette culture, lors de la dernière campagne à Sounthiouroudji, un village situé dans la commune de Bandafassi

‘’Toute ma récolte durant cette campagne a été vendue à Kédougou et dans les foires de Dakar. Le fonio est une bonne céréale et très facile à cultiver. Et il très est bon pour l’organisme aussi’’, a vanté Mme Camara.

Des femmes en amont et en aval de la chaîne de valeur

Aujourd’hui, le GIE Koba Club de Kédougou transforme et vend le fonio dans la région, les foires de Dakar et à l’international, signale sa présidente, Aïssatou Aya Ndiaye.

‘’On cultive, on transforme et on vend ici, au GIE Koba Club. Nous avons des employés journaliers qui nettoient la céréale et on les paye’’, souligne celle qu’on appelle la ‘’lionne’’ de Kédougou, pour son engagement dans la transformation, la commercialisation et la promotion du fonio, au centre d’une journée qui lui est dédiée chaque année dans cette commune.

Adja Aïssatou Aya Ndiaye souhaite que ‘’le fonio remplace le riz à Kédougou’’ et que toutes les femmes de cette région s’activent dans la culture de cette céréale pour ‘’une bonne sécurité alimentaire’’.

Yakharé Danfakha, 36 ans, est la seule femme qui vend du fonio au marché central de Saraya, une commune aux confins du Mali, à l’est, et de la Guinée, au sud. Elle reçoit des commerçantes originaires de Salémata, l’un des trois départements de Kédougou.

‘’Le fonio se vend très bien ici à Saraya. Les gens viennent de partout pour acheter le fonio’’, se félicite Yakharé Danfakha, habillée d’un boubou traditionnel mandingue. Elle relève que cette céréale est de plus en plus servie lors des cérémonies familiales.

Dans le cadre de la promotion du fonio, la présidente du GIE Bincouto de Saraya dit vouloir exposer ses produits durant les foires organisées au Sénégal ou à l’étranger, comme le Salon international de l’agriculture (SIA), qui se tient chaque année à Porte de Versailles, à Paris (France).

Sa collègue Catherine Bindia, âgée de 55 ans, assure, elle aussi, trouver son compte dans la culture et la transformation du fonio. Elle a d’ailleurs reçu un prix décerné par l’association ‘’Moussou Kounda’’, récompensant son engagement en faveur de la promotion de cette filière.

Après la transformation du fonio, elle vend son produit au marché hebdomadaire de Salémata et aux commerçantes du marché central de Kédougou. ‘’Je m’en sors bien avec la commercialisation du fonio. A travers la vente du fonio, je nourris mes enfants et je paie leur scolarité’’, confie Catherine Bindia, présidente du GIE ‘’Nanoondiral’’ du village de Ebarak et conseillère  départementale à Salémata.

Mariama Diallo, surnommée ‘’la dame de fer’’, est la plus grande productrice de fonio dans le département de Salémata. Elle souhaite apporter des innovations dans la commercialisation de cette céréale. ‘’Je veux me lancer maintenant dans la digitalisation et dans la vente en ligne du fonio pour inonder le marché local national et international’’, dit-elle.

Des défis à relever pour booster la production

Les productrices de fonio de Kédougou rencontrent beaucoup de difficultés, dont les principales sont le manque de terres cultivables, de machines décortiqueuses et d’emballage. Ainsi, elles ne comptent que sur leurs propres bras pour récolter le fonio à chaque campagne agricole. Ce qui constitue, selon elle, une véritable équation pour le développement des unités de transformation de cette céréale.

‘’Notre véritable problème à chaque campagne agricole, ce sont les machines décortiqueuses de fonio. Nous ne pouvons pas récolter nos champs avec nos mains. Nous demandons à l’Etat et à tous les partenaires de nous aider à acquérir des décortiqueuses’’, lance Fanta Koyo Soumaré.

Elle invite également les autorités locales et administratives à donner des terres aux femmes, pour qu’elles puissent emblaver des quantités importantes de fonio dans la perspective de compétir sur les marchés nationaux et internationaux. De même, elle déplore le manque de produits d’emballage, qui retarde parfois la commercialisation du fonio dans la région de Kédougou.

La présidente de la coopérative du fonio plaide pour la labélisation des produits dans l’optique de booster encore les investissements de ces femmes spécialisées dans la transformation des produits locaux de la région de Kédougou.

Les femmes transformatrices de fonio ont bénéficié, en 2022, d’une subvention du PADAER 2, visant à faciliter la campagne de commercialisation, rappelle Elhadji Sény Gningue, le chef d’antenne régionale de Kédougou. En décembre dernier, ajoute M. Gningue, des formations sur les négociations commerciales ont été initiées par le PADAER, en vue de faciliter la contractualisation des femmes regroupées au sein de la coopérative.

Le fonio, de son nom scientifique herbacée digitaria exilis, peut s’adapter à tous les sols. C’est une céréale qui ressemble un peu à du gazon, avec ses graines minuscules de l’ordre d’un à deux millimètres. Le décorticage et le blanchiment manuel du fonio sont des opérations pénibles et fastidieuses, nécessitant 4 à 5 opérations successives au pilon et au mortier, séparées par autant de vannages manuels.

Cette céréale est considérée comme un produit typique de certaines communautés -bédik, bassari, mandingue, koniagui, jaaxanké, dialounké, peul, etc., de la région de Kédougou -, pour lesquelles elle sert notamment de plat de référence pendant les grandes fêtes et les moments de réjouissance.