Bamako – La Marocaine Loubna Benhayoune est connue dans le système d’action humanitaire des Nations Unies comme une pionnière dans son domaine. Riche d’une expérience professionnelle et humaine de plus de 25 ans dans des zones de conflits, de guerres ou de catastrophes naturelles, elle occupe depuis 2014 le poste de Directrice de la section ’’Stabilisation et Relèvement’’ au sein de la Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour le Stabilisation au Mali (MINUSMA).

Cependant, cette étape malienne, où elle chapeaute des programmes de soutien social et économique aux populations vulnérables, n’est qu’une partie d’un long travail humanitaire de terrain, à travers de nombreux points chauds, au sein des agences du système des Nations unies. Un long parcours passionnant et édifiant qui était, pour elle, “un choix et un engagement’’ dès le départ.

De l’Irak assiégé dans les années 90 du siècle dernier, au Honduras, Nicaragua, Guatemala et Salvador, dévastés en octobre 1998 par l’ouragan Mitch qui a fait plus de 20.000 morts et des dégâts colossaux, en passant par les zones de conflit en Angola, en Côte d’Ivoire et en République démocratique du Congo, Loubna Benhayoune s’est illustrée par sa remarquable présence aux premiers rangs afin de coordonner les opérations de soutien humanitaire et d’assistance aux populations sinistrées.

Loubna a confié à la MAP que sa vocation «dès son plus jeune âge, était de travailler dans l’humanitaire, et quand l’opportunité s’est présentée, je n’ai absolument pas hésité parce que c’est exactement ça que je voulais’’.

Elle a alors commencé à travailler avec le Programme alimentaire mondiale (PAM) juste après les études supérieures, «encore jeune pleine d’ambition et d’espoir de sauver le monde».

Elle a travaillé pendant quelques années à Rome, mais elle a avait beaucoup plus l’envie d’être sur le terrain pour voir et aider les gens qui vivent des situations vulnérables résultant soit de guerres ou autres difficultés.

Sa première véritable expérience sur le terrain était en Angola où elle a passé deux ans (1993-1994) dans une zone de guerre. ’’C’était excessivement choquant et extrêmement dangereux dans une zone où tout est criblé de balles, ou l’on ne pouvait même pas mettre les pieds dehors sans escorte armée’’, se souvient-elle, précisant que le PAM s’occupait directement de tout ce qui était soutien alimentaire terrestre et aérien aux populations qui étaient en pleine zone de guerre. Elle a aussi participé à maintes opérations de secours dans les zones rebelles ou subissait une famine désastreuse, comme à Kuito.

’’Pour moi, jeune demoiselle pleine de volonté, c’était très compliqué, très dangereux et violent, mais je savais que c’était ma vocation”, a dit Loubna qui va vivre d’autres expériences après l’Angola.

Native de Rabat où elle a décroché le baccalauréat au lycée Descartes avant d’aller en France pour les études supérieures (Licence en langues étrangères appliquées) et à Londres pour un master en ‘Politique sociale et Planification dans les pays en voie de développement’ de la London School of Economics, Loubna s’est retrouvée dans un premier temps en Irak pour une période de deux ans durant les années des sanctions imposées par les Nations Unies ou elle a travaillé en tant qu’expert de suivi et évaluation au sein du programme ‘Pétrole-contre-Nourriture’.

Elle a pu sillonner toutes les routes du pays de Baghdad à Bassorah ou elle a toujours été accueillie chaleureusement en tant que femme marocaine par les populations les plus affectées par le régime des sanctions.

Le PAM était en charge des questions de soutien alimentaire à la population, avant qu’il ne soit contraint d’arrêter ses activités après la première attaque américaine qui allait avoir lieu, et d’évacuer son personnel d’urgence par voie terrestre jusqu’à Amman parce qu’il n’y avait pas de vols, et il fallait éviter les combats.

La destination après l’Irak était l’Amérique centrale qui vivait une situation dite de ’’désastre naturel’’ engendrée par l’ouragan Mitch qui a fait en 1998 des dégâts colossaux. Loubna a passé là-bas plusieurs mois entre le Nicaragua, Honduras, Guatemala, Salvador et Panama, pour appuyer les efforts humanitaires dans les zones sinistrées.

Loubna a expliqué que sa mission était de travailler avec les gouvernements des cinq pays touchés pour assurer un soutien humanitaire et alimentaire continu, et de coordonner avec les diverses agences des Nations Unies et les donateurs. Ce passage était riche en expériences édifiantes pour Loubna Benhayoune qui est devenue ainsi ’’spécialiste des catastrophes’’.

Après l’Amérique centrale, elle a mis le cap sur Genève, une petite étape de deux ans et demie qu’elle a qualifié de tranquille, par rapport à ce qu’elle a vécu ailleurs bien évidemment.

Sa vocation va l’amener par la suite à Bouaké dans le Nord de la Côte d’Ivoire où elle a assumé pendant près de deux ans le poste de responsable du PAM avec des défis énormes à relever, d’ordre logistique et humanitaire, surtout qu’il y avait de nombreux déplacés, ainsi que des rebelles qui tenaient le Nord de la Côte d ‘Ivoire et avec qui il fallait travailler pour faciliter le passage des convois humanitaires.

Presque la même expérience va se répéter en 2006, mais cette fois au sein du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) au Sud-Kivu, à l’est de la République démocratique du Congo.

Loubna était ainsi responsable en tant que chef du Bureau des affaires humanitaires dans une zone de forte crise humanitaire et sécuritaire avec une forte instabilité socio-économique, avec la présence de groupes armés de tous bords, une rébellion violente, des combats et des saccages humains invraisemblables. Une mission qui n’était pas de tout repos vu l’étendue de la zone d’intervention et les immenses besoins et attentes à satisfaire au profit des populations qui souffrent du manque de services sociaux de base, d’absence d’eau potable, d’électricité, d’abris et de nourriture.

Au bout de trois ans, et voulant bénéficier de sa longue expérience dans les désastres et les catastrophes naturelles, il a été rappelée pour combler un besoin au Mali. C’était en 2012 pendant la toute première crise dans ce pays de l’Afrique de l’Ouest. Elle devait notamment mettre sur pieds une structure humanitaire en ouvrant un bureau de l’OCHA et d’assurer la coordination avec les agences de développement (PNUD, FAO, PAM, ..).

Fiers et très satisfaits du travail exceptionnel qu’elle a mené au Mali en peu de temps, les responsables de l’OCHA lui ont demandé de partir en Mauritanie qui vivait aussi une crise humanitaire à la frontière avec le Mali, avec l’afflux de personnes déplacées et la survenue de fortes inondations qui ont frappé la région, ce qui a gravement affecté les communautés locales.

Grâce au dynamisme dont Loubna Benhayoune a fait preuve et sa réussite reconnue dans ses différentes missions, elle a été sollicitée pour travailler avec la MINUSMA (Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation au Mali). Une nouvelle aventure fascinante qu’elle a acceptée et qu’elle continue de vivre à la tête de la division de la stabilisation et d’une équipe de quelque 50 personnes à Bamako, avec des bureaux et des équipes dans chacune des villes de Mopti, Gao, Ménaka, Kidal et Tombouctou, où sont répartis les projets de soutien, qui visent à atténuer une grande partie des souffrances de la population et des communautés locales.

’’Dans une mission de paix il n’y a pas que le côté militaire, mais aussi économique et social’’, a-t-elle tenu à rappeler, affirmant que «malgré la situation extrêmement difficile, nous sommes en mesure de mener à bien plusieurs projets dans les domaines de l’eau et de l’électricité, du renforcement des capacités communautaires et de l’accompagnement des femmes et des jeunes».

Le charme du travail dans l’humanitaire réside dans les difficultés rencontrées et dans la persévérance et la volonté de relever les défis, a avoué Loubna qui maîtrise sept langues.

’’Mon travail dans l’humanitaire n’était pas assez facile mais si c’était à refaire je le referai, c’est ma vocation et je n’ai absolument aucun regret’’, a déclaré cette Marocaine débordante d’énergie, souriante, et qui croit fermement à la valeur travail.

’’Mon père m’a beaucoup soutenu dans toutes mes activités et mes rêves. Cela m’a motivé à travailler davantage, et à partir de là j’encourage les jeunes, surtout, à travailler dur, avec courage et à ne pas avoir peur. Nous sommes tous des individus qui vivent les uns avec les autres, nous sommes appelés à nous adapter, et à ne juger personne’’, a-t-elle poursuivi.

Pour Loubna Benhayoune, les jeunes marocains doivent se lancer dans ce genre de carrières qui sont très enrichissantes professionnellement et humainement, et la femme marocaine doit aller jusqu’au bout de ses rêves et être ambitieuse car elle a toutes les capacités et les possibilités.